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LES MESURES DE LA LOI ELAN POUR LUTTER CONTRE L'HABITAT INDIGNE
Philippe Van Steenlandt, docteur en droit (Paris II Panthéon-Assas), notaire associé, directeur du service patrimonial de l’Etude notariale ALPHA NOTAIRES. Philippe.vansteenlandt@paris.notaires.fr
La loi Elan prévoit des mesures pour lutter contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil. Décryptage.
Qu’est qu’un habitat dit "indigne" ? Une loi datée du 31 mai 1990 le définit comme "les locaux ou les installations utilisés aux fins d’habitation et impropres par nature à cet usage, ainsi que les logements dont l’état, ou celui du bâtiment dans lequel ils sont situés, expose les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé".
Les habitats indignes exposent leur propriétaire à des sanctions. Et la loi relative à l’Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique, dite "loi Elan", traduit la volonté du gouvernement de renforcer cette lutte contre l’habitat indigne et son corollaire : les marchands de sommeil.
Cette loi consacre en effet un chapitre entier (articles 56 à 58) à cette problématique au sein du titre IV intitulé "Améliorer le cadre de vie", lequel contient en particulier deux dispositions phare : le renforcement des sanctions contre les marchands de sommeil (1) et la simplification des procédures de lutte contre l’habitat indigne (2).
1. Le renforcement des sanctions contre les marchands de sommeil
Aux termes de l’article 56 de la loi Elan, la mise en œuvre des sanctions contre les marchands de sommeil va être facilitée par le biais de deux avancées majeures.
En premier lieu, une présomption fiscale de revenus issus de la mise à disposition de logements indignes va être instituée à l’encontre des marchands de sommeil. Comme son nom l’indique, cette présomption a pour effet d’inverser la charge de la preuve.
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Ainsi, faute de pouvoir démontrer le contraire, le présumé “marchand de sommeil” sera certes sanctionné pénalement, mais également taxé sur un revenu imposable égal à la valeur vénale des biens mis à disposition des personnes hébergées ou aux sommes d’argent provenant directement de l’infraction, c’est-à-dire les loyers perçus. Ce dispositif reprend le dispositif d’ores et déjà applicable en matière de trafic de stupéfiants et de contrefaçons, des brigades fiscales travaillant depuis plusieurs années en étroite collaboration avec les services de police afin de réprimer ces infractions et de taxer les revenus y afférents.
En second lieu, la loi Elan va rendre obligatoire les peines complémentaires d’interdiction d’acquisition de nouveaux biens immobiliers (y compris par voie d’adjudication) pour une durée qui peut désormais aller jusqu’à 10 ans, ainsi que les peines complémentaires de confiscation des biens des marchands de sommeil, sauf décision contraire et motivée d’un juge.
2. L’extension et l’élargissement du champs des astreintes administratives
L’article 57 du texte de loi élargit et systématise à l’ensemble des procédures de police spéciale de lutte contre l’habitat indigne (hors urgence) ainsi qu’à la lutte contre le saturnisme, le dispositif de l’astreinte administrative créée par la loi Alur du 24 mars 2014, jusque-là réservé aux procédures avec prescription de travaux.
Désormais, l’astreinte administrative sera automatiquement due par le propriétaire indélicat en cas de non-respect des dispositions d’un arrêté lui prescrivant de réaliser des travaux de mise en conformité de l’immeuble loué dans les délais fixés.
Il s’agit d’accentuer la pression sur les propriétaires pour qu’ils réalisent les mesures prescrites dans le cadre des arrêtés de police spéciale prévues par la loi, et ce afin de supprimer tout risque pour la santé et la sécurité des occupants des logements concernés.
Enfin, il convient de préciser que le montant des astreintes prononcées dans le cadre des polices spéciales de l’insalubrité relevant de la compétence du préfet, sera versé au budget de l’Etablissement Public de Coopération Intercommunale (EPCI) où est implanté l’immeuble ou le local visé si cet EPCI est compétent en matière d’habitat et si son président a bénéficié du transfert des polices spéciales de lutte contre l’habitat indigne de la part des maires.
L’objectif est d’inciter les EPCI à développer le repérage des situations d’habitat indigne et à mettre en œuvre les différentes procédures de police en la matière.
3. La simplification des procédures de lutte contre l’habitat indigne
L’article 58 de la loi ELAN met en œuvre deux profonds changements afin de simplifier les procédures de lutte contre l’habitat indigne. Il est d’une part envisagé de centraliser les compétences en matière d’habitat indigne à l’échelle intercommunale, en renforçant les transferts de pouvoirs de police administrative des préfets aux présidents d’EPCI.
L’objectif est d’ériger ces derniers au rang d’autorité unique exerçant l’ensemble des pouvoirs de police spéciales en matière de santé publique et de lutte contre l’habitat indigne à l’échelon intercommunal.
D’autre part, il est prévu de simplifier les procédures de lutte contre l’habitat indigne et de permettre un meilleur traitement de l’urgence en donnant aux maires la possibilité de recouvrir les frais engagés pour le traitement des situations d’habitat insalubre à l’encontre des propriétaires concernés.
Vous l’aurez compris, si la loi Elan se veut innovante dans le domaine de la lutte contre l’habitat indigne et insalubre, elle veille pour cela à utiliser et à développer des procédures et des techniques de répression qui ont déjà fait leurs preuves dans d’autres domaines du droit.
Reste à savoir si ces dispositions résisteront à l’épreuve du temps, et si elles seront suffisantes à endiguer ce problème de l’habitat indigne qui touche, selon l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH), près 180.000 logements rien qu’en Ile-de-France.
Cet article a été rédigé avec Aurore Guérin, avocate au barreau de Paris, associée au sein du cabinet Fondatio.